ISMAELA SAMBA TRAORÉ : ECRIVAIN & EDITEUR. Une vie au service de la littérature malienne et africaine ! 

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Quand il ne participe pas à un séminaire ou une conférence au Mali ou à l’extérieur, on le retrouve dans son bureau à Baco Djicoroni ACI, en compagnie de ses amis, les livres. Les manuscrits et l’homme, c’est une longue histoire d’amour. Il en a lu mille et un. Cela fait plus de 30 ans qu’il a créé La Sahélienne, une maison d’édition de référence, au Mali et en Afrique.

Teint noir, les idées claires, la carrure aussi imposante que la voix, l’écrivain et éditeur malien, fondateur des Editions La Sahélienne, fait partie de ces entrepreneurs culturels à la tête bien faite, qu’on pourrait écouter durant des heures. Sa culture est d’une immensité qui ne laisse personne indifférent. Cependant, l’homme, bien que n’étant pas timide, préfère laisser son travail parler à sa place. Question d’humilité.

Le titre d’intellectuel étant trop galvaudé, il n’aime pas trop qu’on le lui attribue bien qu’il en soit certainement un. Cet homme de lettres est sans doute l’un des plus brillants du Mali des années 80 à aujourd’hui.

Un enfant du Mali des difficultés

Né en 1949 à Bamako, Ismaila Samba Traoré, tout petit, souhaitait devenir artiste ou avocat. Après son Diplôme d’Etudes Fondamentales (DEF) obtenu en 1967, un an avant le coup d’Etat de Moussa Traoré contre Modibo Keita, il intègre l’Institut national des arts de Bamako qui venait d’ouvrir ses portes. Il se souvient de son attachement pour les livres déjà à cette époque : « J’ai plutôt fréquenté la bibliothèque de l’établissement, beaucoup lu les auteurs de la littérature dramatique, les pièces de théâtre de Sophocle à maintenant… » confie -t-il.

Ismaila Samba Traoré sortait à peine de l’adolescence quand Moussa Traoré s’emparait du pouvoir. La suite, l’histoire nous l’a assez ressassée ; un Mali baigné dans un régime militaire que le jeune Ismaila a connu. D’abord, comme membre de la section de l’Union nationale des Etudiants du Mali de son établissement, lors des grandes grèves de 1969.

Plus tard, à l’instigation de Massa Makan Diabaté, alors Directeur général de l’information, il est recruté par Radio Mali, comme producteur réalisateur d’émissions culte comme ‘Sur les chemins de l’histoire’ et ‘Magazine Expression’. C’est ainsi qu’il recevra à son micro le célèbre Amadou Hampathé Ba ainsi que d’autres personnalités emblématiques et réalisera des reportages mémorables, entre autres sur le nord Mali au temps de la grande sécheresse de 1973.

Bénéficiaire d’une bourse d’études pour les universités de Bordeaux en 1974, il y fera des études de journalisme, de sociologie, de littérature, d’anthropologie et de science politique, s’inscrivant au fichier central des thèses sous l’intitulé : Sociologie des modes et structures sociales liées à l’oralité, tout en travaillant à son premier roman qui paraîtra sous le titre Les ruchers de la capitale. Ce livre présenté comme représentatif du roman sur la critique des indépendances et sur l’irruption des militaires sur la scène politique, dépeint également, en arrière-fond, le processus de peuplement d’une banlieue spontanée, devenue l’épicentre de l’opposition aux officiers manipulateurs. C’était le début d’une riche carrière d’écrivain, car il compte aujourd’hui plus d’une vingtaine d’ouvrages : romans, essais, anthologie, poésie, études et documents, livres de jeunesse.

L’entrepreneur culturel

Après avoir travaillé comme chercheur à l’Institut des Sciences Humaines du Mali où il a engrangé beaucoup de matériaux sur les sociétés maliennes, simultanément à son engagement auprès de celui qui deviendra plus tard président de la République (Alpha Oumar Konaré), il décide, en 1992, de créer Les Editions La Sahélienne qui, au fil des ans, deviendra l’une des maisons d’édition les plus respectées du Mali.

Ismaila Samba Traoré, a connu un riche parcours au sein de l’administration publique où il a occupé, tour à tour, différentes fonctions, de directeur de service à membre de cabinets ministériels. Fonction publique et entrepreneuriat faisant difficilement bon ménage, il a fini par renoncer à son statut de fonctionnaire afin de se consacrer pleinement à sa carrière d’éditeur.

Depuis plus de 30 ans maintenant, à travers la Sahélienne, il édite dans presque toutes les langues maliennes et publie des auteurs de toutes les générations qu’ils soient du Mali ou d’ailleurs.

Avec La Sahélienne, Ismaila Samba Traoré voulait rehausser le niveau, faire émerger des auteurs, des vrais dans un Mali confronté à une difficulté relative au domaine du livre. Une difficulté qui touche toute l’Afrique de l’Ouest et qui rend compliqué le métier d’écrivain. Dans cet état d’esprit, en tant qu’expert et chercheur, il a publié en 2018, avec l’aide du Canada, un ouvrage intitulé Etude sur le secteur du livre au Mali afin d’apporter des repères et des chiffres pour aider les acteurs et les décideurs dans la mise en œuvre de politiques relatives au secteur du livre.

La constance

L’homme est resté constant. Sûr de lui et de sa voie. Le secret de sa réussite, dans un domaine aussi complexe que celui du livre, est la conviction. C’est armé de conviction, de foi et de constance qu’il est parvenu à faire de la Sahélienne un véritable label dans le domaine de l’édition africaine.

Ismaila Samba Traoré a présidé aux destinées de l’Union des Ecrivains maliens et de l’Union des poètes et écrivains africains (congrès de Grand Bassam). Il dirige le Centre malien de PEN International et du Mouvement Mali Valeurs. Il a reçu plusieurs distinctions en reconnaissance de son combat pour le secteur de la culture, parmi lesquels le prix d’Élu innovateur (1993) puis le prix Ashoka de l’Entrepreneur social (par l’Association internationale Ashoka en 1993). Il est également Chevalier de l’Ordre national du Mali.

Issouf Koné