KADIA SYLLA MOISSON : DIRECTRICE AFRIQUE CHEZ GRANT ALEXANDER & CONFÉRENCIÈRE

Safiatou La perle noire
Safiatou La perle noire

‘’ Le Salon des Industries Africaines : une
vitrine des projets industriels du continent ‘’

Kadia Sylla Moisson, franco-guinéenne et mère de quatre enfants, est une femme engagée, résolue à créer des ponts stratégiques entre ses deux pays, la Guinée et la France, et plus largement entre l’Afrique et l’Europe. À travers son parcours, elle s’efforce de relier les mondes, les talents et les opportunités, dans le but de contribuer à une transformation durable des territoires et d’avoir un impact dans ses choix, aussi bien personnels que professionnels. Juriste de formation, spécialisée dans le recrutement de dirigeants, elle est aujourd’hui Directrice Afrique du groupe français de conseil en ressources humaines Grant Alexander. Très investie dans le développement local et engagée au service de l’intérêt général, Mme Moisson organise des conférences et des initiatives à impact, portant sur des thématiques qui lui sont chères : le capital humain et les industries stratégiques. C’est dans cette dynamique qu’elle a lancé le Salon des Industries Africaines, dont la seconde édition se tiendra le 3 juin à Dakar.

Quelles ont été les grandes étapes de votre parcours académique et professionnel ?
J’ai grandi dans un environnement diplomatique, au rythme des affectations de mon père, alors ambassadeur de Guinée, avec des séjours marquants en Arabie Saoudite, en Égypte et au Maroc. Ces années m’ont très tôt forgée à la richesse du dialogue interculturel, à la mobilité et à une grande ouverture d’esprit. Je suis ensuite venue en France pour poursuivre mes études, d’abord au lycée, puis à l’Université Paris X, où j’ai obtenu un DEA en droit privé européen et international. Ma carrière professionnelle a commencé à Abidjan, au sein du cabinet d’avocats « Adje Assi Métan », où je me préparais à devenir juriste d’entreprise. À cette époque, j’étais particulièrement passionnée par l’arbitrage international en droit des affaires. Cependant, à mon retour en France, c’est dans les ressources humaines que j’ai trouvé ma voie. J’ai travaillé pendant plus de 17ans dans des entreprises de services à forts effectifs, où j’ai occupé des postes de responsable RH, DRH adjointe, puis responsable des relations sociales et membre de comités de direction. Fin 2018, je me suis tournée vers le recrutement de dirigeants en rejoignant le groupe Grant Alexander, où je suis aujourd’hui Directrice Afrique. Ce rôle m’a permis d’affiner ma compréhension des dynamiques de leadership sur le continent et de créer des passerelles entre les talents africains et les besoins stratégiques des entreprises. En parallèle, j’ai développé une activité entrepreneuriale autour de l’organisation de conférences à impact, sur des thèmes qui me tiennent à cœur : le capital humain, les industries stratégiques, l’investissement, l’entrepreneuriat féminin et la place des femmes dans les conseils d’administration. J’ai également été élue municipale dans ma commune, un mandat que j’ai dû interrompre pour raisons professionnelles, mais qui
m’a beaucoup enrichie humainement.

Qu’est-ce qui vous a motivée à créer le Salon des Industries Africaines et à organiser une deuxième édition à Dakar ?
L’idée du Salon a germé grâce à mon mari, chef d’entreprise et militant actif au sein des Forces Françaises de
l’Industrie (FFI), une organisation de chefs d’entreprise engagés pour la réindustrialisation de la France. À ses côtés, j’ai pris la mesure des enjeux concrets de cette réindustrialisation et de l’importance de remettre l’industrie au
cœur des priorités économiques, de la formation et du développement des compétences. « L’industrie, c’est la vie », une phrase de Gilles Attaf, associé de mon mari, m’a profondément marquée. Elle résume parfaitement la quête industrielle de l’Afrique : un enjeu vital pour son autonomie et sa souveraineté. C’est donc au croisement de mon expérience professionnelle, de mes engagements familiaux et de ma double culture africaine et européenne qu’est née l’idée du Salon des Industries Africaines. La première édition, organisée à Paris, a mis en lumière les industries culturelles, créatives et sportives, en lien avec les Jeux Olympiques et la place des femmes dans la gouvernance. Pour cette deuxième édition, il nous semblait essentiel d’ancrer le projet sur le continent, au plus près des acteurs de terrain. Dakar s’est imposée naturellement: le Sénégal est un pays dynamique, tourné vers l’avenir, et porteur de projets industriels structurants dans plusieurs secteurs stratégiques. Il incarne la volonté africaine de transformation locale et de souveraineté. Nous avons donc choisi de mettre le Sénégal à l’honneur comme pays hôte, aux côtés de la Guinée, pays invité d’honneur, et du Gabon, avec un focus stratégique sur son potentiel industriel. Par ailleurs, l’un de nos partenaires historiques, Momar Mbaye du groupe Senef, est d’origine sénégalaise: ce choix est aussi une manière de le remercier pour son soutien fidèle.

À qui s’adresse cet événement ?
Ce Salon s’adresse à tous ceux qui croient en une Afrique capable de transformer localement ce qu’elle produit. Il est ouvert aux étudiants, aux industriels, aux investisseurs, aux décideurs publics, mais aussi aux startups, ingénieurs,
chercheurs, experts du développement et membres de la société civile. C’est une plateforme conçue pour partager
des solutions concrètes, nouer des coopérations utiles, comprendre l’impact des projets industriels, identifier des
opportunités de carrière, créer des relations d’affaires et insuffler une dynamique d’influence et d’impact.

Quels changements ou impacts espérez-vous générer à travers cette initiative ?
J’aimerais que ce Salon devienne une vitrine des projets industriels africains, et qu’il contribue à faire connaître leur impact réel sur le développement des territoires. Il s’agit de montrer qu’un changement de paradigme est possible, en valorisant le contenu local, en transformant nos ressources sur place et en construisant des partenariats stratégiques, qu’ils soient Nord-Sud ou Sud-Sud. Chaque table ronde intègre un volet « capital humain », car les enjeux de formation, de compétences et de gouvernance sont au cœur des transitions industrielles, spécifiques à chaque secteur. L’ambition est aussi de faire évoluer le regard porté sur l’industrie africaine. Trop souvent, nos pays sont encore vus uniquement comme des marchés d’exportation ou de consommation. Nous voulons encourager l’émergence de projets structurants, bâtir des alliances durables, et mettre en lumière celles et ceux qui agissent déjà sur le terrain. Enfin, je souhaite que ce salon renforce la fierté et la confiance dans notre capacité collective à bâtir des écosystèmes industriels solides, inclusifs et durables.

Comment cet événement s’inscrit-il dans votre vision pour l’espace francophone ?
Je crois profondément en la francophonie économique. C’est un levier de transformation, un espace d’opportunités et de coopération concrète entre des territoires qui partagent bien plus qu’une langue. Aujourd’hui, la Francophonie ne se limite plus aux institutions ou aux grands colloques. Elle vit dans les actes : dans les créations des artistes, dans les innovations des entrepreneurs, dans les ponts que construisent les diasporas, dans les choix quotidiens de millions de personnes. Elle est multipolaire, multiculturelle, en mouvement. Ce Salon s’inscrit pleinement dans cette dynamique : une francophonie de terrain, d’impact, fondée sur des solutions et une croissance partagée. Il invite à repenser les équilibres, à favoriser les alliances stratégiques Nord-Sud et Sud-Sud, et à ouvrir de nouveaux espaces de coopération industrielle entre pays francophones. Cette année, nous mettons à l’honneur trois pays : le Sénégal, le Gabon et la Guinée. Trois pays qui incarnent aujourd’hui un potentiel industriel inédit et porteur d’avenir. C’est aussi un appel aux institutions francophones à mieux écouter ceux qui, sur le terrain, font bouger les lignes.

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Quel message clé souhaitez-vous transmettre aux participants et partenaires potentiels ?
Ce Salon est ouvert et ancré dans la réalité. Il s’adresse à toutes celles et ceux qui croient qu’une autre trajectoire est possible pour le continent. C’est aussi un appel lancé à la diaspora, qui joue un rôle essentiel, mais encore trop souvent réduit au registre affectif ou humanitaire. En 2023, plus de 90 milliards de dollars ont été transférés par les diasporas africaines vers le continent un montant qui dépasse largement l’aide publique au développement. Ces transferts peuvent devenir des leviers d’investissement productif, au service de la transformation locale et de projets concrets. Nous sommes des témoins et des messagers, porteurs de projets à impact. Ce Salon est un lieu de débat bienveillant, de collaborations et de connexions, où les dynamiques d’affaires peuvent se tisser en toute simplicité.

Dorine Gueye MBAYE