LENGE 1: Les artistes face aux obstacles familiaux et aux contingences de l’éducation

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La première session des Conférences « LENGE » (lingué), initiée par Mame Dorine
GUEYE, directrice éditoriale du magazine « étoile africaine », s’est tenue le 10 juin dernier
à l’Institut Français de Dakar. Une première réussie avec la brillante participation de
l’écrivaine Mariétou Mbaye dite Ken Bugul, du commissaire d’exposition Wagane GUEYE
et du designer Ousmane Ndiaye Dago. Ils ont échangé autour du thème « la créativité face
aux codes sociaux culturels.

La création artistique ne peut pas se passer de l’émancipation. Cette dernière est plutôt le
socle de la créativité. En effet, elle délibère l’artiste de la dépendance familiale, chose
contraignante pour les jeunes artistes. Cette thèse a été défendue par l’écrivaine Mariétou

Mbaye alias « Ken Bugul », lors des Conférences « LENGE » (lingué) initiées par la
directrice du magazine « étoile africaine », Dorine GUEYE
Selon l’auteur du livre, « Le baobab fou », « le sens de la famille au Sénégal est contradictoire
avec la législation ». Pour elle, la personne majeure doit en principe quitter la maison
familiale afin d’assumer ses responsabilités, contrairement à ce que l’on voit au sein des
familles où le jeune dit émancipé continue à vivre dans la famille et à dépendre de celle-ci. La
famille constitue donc un frein chez les artistes. C’est le point de vue du commissaire
d’exposition Wagane GUEYE.
Il estime que « le premier problème que rencontrent les jeunes artistes qui veulent s’engager
dans l’art, c’est la famille qui est très conservatrice avec les réunions familiales organisées
pour dire non à l’engagement, à ce pas que veut franchir ce jeune de 18-20 ans qui veut
entamer une formation dans le domaine de l’art ».  Ce que confirme Ken Bugul. « On n’existe
pas en tant qu’individu, mais en tant que membre d’un groupe où l’on essaie de s’organiser
avec les codes sociaux culturels où il y a une autorité qui est au-dessus du groupe », indique la
romancière.
Au-delà des codes sociaux culturels, la question de l’autocensure constitue également un frein
à la créativité artistique. À en croire Ken Bugul, l’absence de cette autocensure conditionnée
par un environnement socioculturel lui a permis de réaliser son ouvrage « Le baobab fou »,
car « je n’avais pas à réfléchir, parce je n’étais pas conditionnée, bien vrai que j’aie essayé
d’être une fille bien. Mais cela ressemblait à un jeu et donc, j’ai tout abandonné ».
L’autre aspect bloquant les artistes est sans nul doute, selon le designer photographe Ousmane
Ndiaye Dago, la formation professionnelle. Les métiers d’art sont vus comme des refuges.
Certains y atterrissent après avoir échoué dans d’autres filières. Cependant, ils arrivent en
pensant que c’est facile. Or, il faut une formation académique. D’après Dago, le fait de
n’avoir pas fait des études poussées limite la créativité de certains. « Art égal conception,
créativité. Ce n’est pas inné, mais plutôt acquis en se faisant former dans les académies ». 
Ousmane Ndiaye Dago ajoute que les erreurs observées sur certains logos, dans le pays,
conçus par des informels, sont souvent dues au manque « d’écoles de formation
professionnelle allant dans le sens du graphique designer, car l’art c’est aussi l’identité ». Le
terrain était pourtant bien arrosé sous l’ère senghorienne avec la mise en place de l’école de
Dakar, l’Ecole des beaux-arts, les Manufactures des arts décoratifs de Thiès où certains ont
été formés depuis 30 ans, renseigne Wagane GUEYE.
« Ce qui est malheureux, c’est que dans un pays comme le Sénégal, le pays de Senghor, là où
s’est tenue la première édition du Festival mondial des arts nègres, ce pays qui reçoit une expo
d’œuvres de Picasso et où se tient la Biennale de l’art contemporain, pourquoi dans
l’éducation, on n’a de programme sur l’histoire de l’art ? Même au Cesti où on forme les
journalistes, il n’y a même pas un volet d’histoire de l’art ou de critiques littéraires et
artistiques. On improvise et nos enfants ne sont pas formés à comprendre l’art. C’est pour cela
qu’ils sont perdus dans beaucoup de domaines », a regretté la romancière.


ARAME FALL NDAO (stagiaire)

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