Cela fait près de 80 ans que des femmes originaires du Togo ont démocratisé le commerce du textile en Afrique. Les Nanas-Benz étaient intelligentes, courageuses, endurantes et ont révélé la femme africaine aux yeux du monde. « Ton pied, mon pied » ou « encore l’œil de ma rivale » sont des noms qu’elles ont donnés aux motifs de tissus qu’elles commercialisaient.
Dans les années 1940, des commerçantes togolaises en quête de diversification d’activité se rendent au Ghana pour importer des tissus et les revendre au Bénin, en Côte d’Ivoire et bien évidement au Togo. A l’époque, alors qu’il y avait des tensions politiques entre le Togo et le Ghana, ces visionnaires ont changé de stratégie en traitant directement avec les fabricants de tissus à la place des revendeurs. Elles ont pu ainsi, éviter les répercussions du conflit, sur leurs activités et ont même pu personnaliser leurs tissus avec des motifs de leurs choix. Grâce à leur ingéniosité, ces valeureuses dames ont su construire un véritable empire dans le monde du textile.
Les tissus des « Nanas » étaient des tissus Wax hollandais aux couleurs vives et aux motifs originaux. La clientèle a tout de suite accroché grâce à la qualité et aux designs des tissus. C’est dans les années 1970 que leur commerce a véritablement pris de l’ampleur et que certaines plus déterminées sont devenues millionnaires ou même milliardaires.
Les Nanas Benz étaient des femmes fortes. Bien qu’elles n’étaient pas toujours instruites, elles étaient très bonnes négociatrices. Certains les comparaient aux Amazones du Dahomey grâce à leur courage et leur force. « Une Nana Benz, est une femme qui a aidé le Togo et l’Afrique par son acharnement au travail. Les Nanas Benz ont toujours eu des moyens de transport très puissants. C’est pourquoi elles achetaient des Mercedes-Benz », disait Dédé Rose Creppy une des Nanas Benz les plus célèbres. D’ailleurs, c’est ce qui leur valu le surnom de ‘’Nana Benz’’.
Les difficultés ont réellement commencé lorsque les Chinois se sont mis dans la vente de tissus sur le sol africain. Cependant nos Nanas Benz ont su faire face à cette concurrence, en créant des tissus comme « Mon mari est capable » ou « L’œil de ma rivale ». Ce qui leur a permis de reprendre le marché et de régner en reine sur le commerce du tissu en Afrique.
Connaissant les aléas commerciaux, beaucoup parmi elles ont eu l’idée d’investir leur fortune dans d’autres secteurs afin de se garantir une sécurité financière durable. Ainsi, certaines ont investi dans l’immobilier en Afrique et même dans de grandes villes en Europe. D’autres ont préféré financer les études de leurs enfants en les inscrivant dans les meilleures universités d’Europe et d’Amérique, pour qu’ils reviennent avec des idées novatrices pour continuer à faire prospérer l’entreprise familiale. Il y a eu également, des Nanas Benz qui ont préféré financer des partis politiques comme celui de feu Sylvanus Olympio ou acheter des actions en bourse.
Aujourd’hui, la page des Nanas Benz est certes tournée, mais les Golden Ladies ou les Nanettes ont repris le flambeau et ont apporté une touche de modernité à ce commerce qui existe depuis plus de 80 ans. Les Nanettes ont adapté leurs créations à la nouvelle clientèle en leur proposant des tissus chics aux modèles et couleurs uniques.
Claude Glélé