Talentueuse comédienne et actrice, Maimouna Ndiaye plus connue sous le nom de Mouna Ndiaye est tout aussi belle et raffinée. Elle est une fierté africaine. Humble, elle continue de tisser sa toile dans le septième art. Dans cet entretien, on la découvre davantage.
Vous êtes actrice et comédienne, comment êtes-vous passée des planches à l’écran ?
Un acteur ou une actrice est une personne dont la profession est d’être l’interprète de personnages sur la scène ou à l’écran. Un comédien ou une comédienne est une personne dont la profession est de jouer au théâtre ou au cinéma à la télévision ou à la radio. Les deux définitions sont quasi identiques, c’est le lieu de l’interprétation qui change. Au théâtre, le lieu est fixe et l’histoire se raconte et se joue en une fois.
Au cinéma, l’histoire se fabrique sur plusieurs jours voire plusieurs semaines et le texte est repris plusieurs fois avant d’avoir le jeu que l’on veut. Un acteur de théâtre est bon au cinéma, mais un acteur de cinéma n’est pas forcément bon au théâtre. Le travail de la mémoire n’est pas le même. La force d’un interprète réside dans sa capacité à pouvoir passer de l’un à l’autre. La différence est la caméra et l’équipe qu’il y a au tour. Que ce soit au théâtre comme au cinéma l’essence pour l’interprète est la même : incarner, entrer dans la peau d’un personnage.
Le jeu est différent tout de même. Pour vous entre le jeu d’acteur et celui de comédien, lequel est le plus facile, comment faites-vous pour vous départir de l’un de l’autre suivant les situations ?
Que ce soit au théâtre comme au cinéma, je travaille mes personnages de la même manière pour les incarner au mieux et en fonction de l’histoire, du réalisateur, du metteur en scène, des personnes avec qui je partage la scène ou l’écran. Les choses changent en fonction de l’histoire écrite et mise en scène ou réalisée. En répétition, une autre écriture se fait sur la scène pour le théâtre et au montage pour le cinéma, la télévision ou la radio.
Vous êtes, par ailleurs, auteure-réalisatrice de plusieurs films documentaires ainsi qu’animatrice. D’où puisez-vous toute cette énergie ?
(Rires) Nous avons tous de l’énergie à revendre et quand on a des opportunités de pouvoir s’exprimer, on saute dessus. Ce sont des métiers différents avec un point commun : dire, faire entendre, donner à voir et à entendre.
Est-il facile d’être femme dans le milieu du cinéma ?
Le cinéma, comme le théâtre, a beaucoup évolué. J’ai choisi ce métier et je l’assume. Je ne me suis pas orientée vers cette voix parce que je pense que c’est facile, au contraire, j’ai eu envie de faire « bouger les lignes » d’une autre manière. Le milieu du cinéma en lui-même n’est pas facile. Je n’ai jamais mis en avant le fait d’être femme. C’est un métier et tout le monde fait le métier qu’il choisit avec les compétences qu’il a acquises. Le tout c’est de le faire bien. Posez aussi la question à, tous ceux qui sont dans ce métier, ils vous diront la même chose. Ce n’est pas une histoire de femme même si le milieu reste misogyne (les femmes sont le plus souvent aux costumes, à la cuisine, à la vaisselle, au maquillage, aux courses…), vous allez rarement voir (je parle en Afrique) une femme cheffe de poste à la technique pure et dure, non pas parce qu’elles ne veulent pas mais plutôt parce qu’on ne les encourage pas à se former.
Vous pensez que les femmes n’occupent pas vraiment la place qu’elles devraient ?
Les femmes ont toutes leur place dans le septième art, comme dans tous les métiers. La société évolue et tout le monde a sa place dans ce qu’il choisit de faire. Il suffit qu’elles veuillent se former et s’exprimer et surtout qu’on leur donne les opportunités et leur facilite l’accès à la formation et aux financements.
Avez-vous vécu des moments pénibles dans votre métier ?
Je ne suis pas issue de famille d’artiste, c’est peut-être ce qui a été la difficulté, parce qu’il a fallu expliquer, faire comprendre et faire accepter mes choix de carrière.
Vous êtes connue à travers le continent grâce à Super Flics. Considérez-vous que c’est l’un de vos plus beaux moments dans ce milieu ?
J’ai toujours assumé, pleinement, tous les rôles que j’ai acceptés de jouer ou d’interpréter. Ce sont tous des rôles que j’aime parce que les personnages que j’interprète ont des messages à faire passer et c’est ce qui me plaît avant tout.
Vous avez été majestueuse dans l’œil du cyclone, ce qui vous a valu d’ailleurs le prix de la meilleure interprétation féminine au Fespaco 2015. Ce rôle vous a fait passer par plusieurs émotions. Comment avez-vous vécu les moments de tournage ?
« L’œil du cyclone » est une pièce de théâtre qui a été créée en 2003 à la troisième édition des Récréâtrales (Résistances Panafricaines d’écriture, de création et de recherches théâtrales de Ouagadougou), la pièce à tourner pendant dix ans dans la sous-région et dans le monde avant son adaptation au cinéma.
Le travail du théâtre au cinéma a été complètement différent. Le cinéma a montré tout ce qui était dit au théâtre. L’avantage est que Fargass Assandé, avec qui j’ai partagé la scène, et moi connaissions déjà le texte. Toutefois, le rendu au cinéma n’est pas du tout le même qu’au théâtre. La complicité que nous avions dans la pièce nous a beaucoup aidés au cinéma. C’était plutôt facile je vais dire.
Selon vous quels sont les clefs de votre succès ?
Succès… A cette question je ne sais quoi répondre. Aux spectateurs de juger…
- Je joue et quand je sors de là, je reste moi-même.
- Je fais mes courses normalement.
- Je ne me prends pas la tête et je garde les pieds sur terre.
- Ma famille est très présente quand il m’arrive de ne pas me sentir bien
Le succès, c’est comme quand on a bien travaillé et qu’on reçoit sa paie. On est content, on va payer les dettes à ceux qui nous ont permis de tenir, on dit merci à ceux qui nous ont soutenus. On est un peu libéré, et surtout on souhaite avoir la force de rester à la hauteur pour ne pas décevoir toutes ces personnes qui nous suivent et qui croient en nous parce que je dis toujours, sans public, sans spectateurs, sans auditeurs et sans la famille qui est au premier rang nous n’existons pas.
Vous êtes d’un père sénégalais et d’une mère nigériane. Vous êtes née en France, vous avez vécue en Côte d’Ivoire et au Burkina. De quel pays, de quelle culture vous sentez-vous le plus proche, ou c’est l’ensemble qui fait de vous ce que vous êtes ?
(Rires) Pour moi les valeurs sont universelles. Je m’en suis rendue compte à travers les voyages que j’ai fait en Afrique et dans le monde, même si je n’ai pas fait le tour du monde en 80 jours comme Jules Vernes. La question de mon africanité, ou de mon appartenance à un pays ne s’est jamais posée. Je suis issue d’un métissage physique de plusieurs pays du continent, intellectuel du monde et de par mon métier qui n’a pas de frontières. Donc, la réponse est évidente pour moi. J’ai beaucoup de chance de par ma mixité et ma diversité culturelle, je la prends comme un atout et je me construis avec.
A partir du moment où l’art n’a pas de frontières, je n’ai pas de frontières artistiques ou humaines. Je me sens bien partout où je vais, tant qu’on m’accepte.
Zahra Ndiaye