L’événement OWLA, organisé à l’hôtel Pullman Dakar sous le thème général « Bâtir des ponts et amplifier les voix pour progresser ensemble : vers un mouvement collectif pour le leadership féminin », a réuni des personnalités influentes et des leaders du Sénégal pour discuter des enjeux du leadership féminin et de la transformation sociale. La session C, intitulée « Leadership féminin et transformation sociale », a constitué un moment clé de cette journée de réflexion.
Modératrice et Intervenants
La session C a été modérée par Dorine Gueye, fondatrice d’Etoiles Africaines (Sénégal), une figure influente dans le domaine de la promotion du leadership féminin en Afrique. Elle a brillamment guidé les échanges tout au long de cette session. Les intervenants comprenaient :
- Safiétou Diop, Présidente du Réseau Siggil Jigeen (Sénégal), militante engagée pour les droits des femmes et l’égalité de genre ;
- Pr Cheick Sadibou Sakho, Enseignant-chercheur à l’Université Gaston Berger (Sénégal), expert en sciences sociales et développement ;
- Roughiatou Cissé, Directrice associée de Partaliane (Sénégal), cabinet de conseil en stratégie et transformation ;
- Woppa Diallo, Directrice exécutive de l’AMFE, également lauréate de l’OWLA (Sénégal).
Résumé des échanges
1. Le rôle du leadership féminin dans la transformation sociale
Le panel a commencé par un consensus sur l’importance d’un leadership féminin fort et visible pour impulser un changement réel dans la société. Safiétou Diop a souligné que les femmes sont souvent reléguées à des rôles périphériques, mais qu’elles sont des agents de transformation dans leurs communautés et au-delà. Elle a plaidé pour des politiques publiques qui facilitent l’accès des femmes à des positions de leadership.
Pr Cheick Sadibou Sakho, de son côté, a mis l’accent sur l’importance de l’éducation et de la formation pour l’émancipation des femmes. Il a précisé que le leadership féminin ne se limitait pas à des fonctions visibles, mais qu’il devait être intégré dans toutes les sphères de la vie sociale, économique et politique pour avoir un impact véritablement transformateur.
2. L’importance de l’inclusivité et de la solidarité
Lors de la session sur le leadership féminin et la transformation sociale, Roughiatou Cissé, Directrice Associée de Partaliane, a enrichi les débats en introduisant les concepts de leadership de résonance et de leadership de dissonance, en soulignant leurs implications dans le processus de transformation sociale et le rôle crucial des femmes dans ce domaine. Elle a expliqué que le leadership de résonance repose sur l’empathie, la coopération, ainsi que sur la capacité à écouter et à comprendre les autres. Ce type de leadership, axé sur les valeurs humaines, crée un environnement de confiance et d’harmonie au sein des équipes, favorisant ainsi des relations plus équitables.
Roughiatou Cissé a également précisé que les femmes, en raison de leur approche plus inclusive et collaborative, tendent à adopter ce modèle de leadership, ce qui permet de générer des environnements de travail plus équitables et de stimuler des transformations sociales profondes. Elle a souligné l’importance d’intégrer l’éducation au sein des familles, car c’est souvent là que les changements les plus significatifs commencent, notamment en modifiant les mentalités et en encourageant des pratiques plus égalitaires dès le plus jeune âge.
Woppa Diallo a également souligné l’importance de l’éducation dans le processus d’émancipation des femmes et le renforcement de leur leadership. Selon elle, l’éducation est un levier essentiel pour permettre aux femmes d’acquérir les compétences nécessaires pour exceller dans leurs domaines professionnels et surmonter les obstacles structurels.Elle a précisé que l’accès à une éducation de qualité permet aux femmes de développer non seulement des compétences techniques et professionnelles, mais aussi des compétences en leadership, en gestion d’entreprise et en prise de décision, des domaines souvent dominés par les hommes. Pour Woppa Diallo, l’éducation est un catalyseur clé qui permet aux femmes de se positionner comme actrices du changement social et économique, notamment en favorisant leur entrée dans des secteurs stratégiques.
Elle a également insisté sur le fait que, en tant que moteurs de la transformation sociale, les femmes doivent avoir accès à des programmes éducatifs qui répondent aux besoins spécifiques des femmes entrepreneures et qui les préparent à naviguer dans des environnements de travail parfois hostiles ou dominés par des normes masculines. Selon elle, l’éducation est donc un moyen de renforcer la confiance des femmes, leur autonomie économique et leur capacité à diriger, tout en contribuant à briser les stéréotypes de genre dans le monde du travail.Enfin, Woppa Diallo a plaidé pour des réformes éducatives qui garantissent une égalité d’opportunités dès le plus jeune âge, afin que les filles et les jeunes femmes soient formées pour devenir des leaders dans tous les secteurs de la société, et non seulement dans des domaines traditionnellement féminins. Pour elle, investir dans l’éducation des filles est une stratégie gagnante pour construire des sociétés plus égalitaires et prospères.
3. Les défis et opportunités du leadership féminin
Les intervenants ont unanimement reconnu que le chemin vers un leadership féminin véritablement inclusif reste semé d’embûches. Cependant, ils ont aussi souligné que les femmes bénéficient aujourd’hui d’un contexte plus favorable avec l’émergence de nombreuses initiatives et réseaux en leur faveur.
Safietou Diop souligne l’évolution positive des femmes dans des positions de pouvoir au sein des organisations internationales, tout en mettant en évidence la nécessité de poursuivre les efforts pour que cette tendance se renforce également au niveau local et national. Elle évoque également l’impact croissant du réseau Siggil Djiguène, qui, en 1994, comptait seulement sept organisations de femmes et en regroupe aujourd’hui dix-huit, couvrant à la fois les secteurs rural et urbain. Selon elle, ces avancées sont le fruit d’une volonté commune de relier les femmes entre elles, de créer des ponts, et de renforcer leur engagement pour plus de visibilité et d’impact dans la société.
Le Pr Cheick Sadibou Sakho a conclu que la transformation sociale nécessite un leadership partagé, non seulement porté par les femmes, mais aussi en collaboration avec les hommes, afin de construire des sociétés plus justes et équilibrées. Il a également abordé les barrières culturelles, soulignant qu’il n’appréciait pas ce terme. Selon lui, il serait plus juste de parler de stéréotypes, qui sont des constructions sociales souvent utilisées pour justifier des inégalités, et qu’il convient de déconstruire pour favoriser un véritable changement.
La session a permis de dégager plusieurs pistes de réflexion pour renforcer le rôle des femmes dans le processus de transformation sociale. Il a été convenu que le leadership féminin doit être davantage soutenu par des politiques concrètes, des initiatives éducatives et des réseaux solides de solidarité et de collaboration. La modératrice Dorine Gueye a clôturé la session en insistant sur la nécessité de bâtir des ponts entre les différentes générations et de continuer à amplifier les voix féminines pour un progrès collectif vers l’égalité et l’émancipation.
Ce panel a été un moment fort dans la quête de l’émancipation des femmes en Afrique, mettant en lumière les défis, mais aussi les opportunités pour les femmes de devenir des leaders dans la transformation de leurs sociétés.