NDEYE KHADIOME NDONG : une expertise au service des sourds muets.

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Ndeye Khadiome Ndong est cofondatrice de Dakane Agro-Cosmo, une entreprise dont le personnel est essentiellement composé de sourds muets. Cette brave dame s’est inspirée de sa mère pour tracer sa voie.

Diplômée en gestion des entreprises agricoles, je suis technicienne supérieure en agroalimentaire. Je suis également co-fondatrice et gérante de Dakane Agro-Cosmo, une structure dont le nom est dérivé de celui de ma mère Aïda Kane (on la surnomme Dakane) ; agro comme agroalimentaire, et cosmo comme cosmétique. Nous transformons les produits agricoles et agro-forestiers en développant une vision zéro déchet. C’est ce qui nous pousse à toucher deux secteurs : l’agroalimentaire et la cosmétique. On exploite toute la matière première pour fabriquer des produits comestibles et des produits cosmétiques.

 Qu’est-ce qui vous a poussée à mettre sur pied Dakane Agro-Cosmo?

Je suis née dans une famille qui aime travailler dans les champs. Mon père est un paysan sérère. Ma maman est depuis 1987 formatrice en agroalimentaire.  Elle est sortie de l’ITA (Institut de technologie agroalimentaire). Quand j’étais enfant, on allait dans les champs situés entre Diourbel et Gossas pour participer aux récoltes. Cet amour s’est accru quand j’ai eu mon Bac. Ainsi, j’ai pensé suivre une formation en génie électrique ou télécommunication. Quand je suis allée à l’ESP (Ecole Supérieure Polytechnique), il n’y avait plus de place en génie électrique et j’ai finalement opté pour une formation en industrie chimique et en agroalimentaire. Je me suis spécialisée dans l’agroalimentaire puisque c’était mon rêve d’enfant.

Dès ma première année, j’ai commencé à avoir des idées de projets. Et mon souhait a toujours été de travailler avec ma maman, après ma formation, pour structurer au moins ce qu’elle a entamé depuis longtemps. A la fin de ma formation, j’ai fait des stages à « Nestlé Sénégal » et au « Baobab des saveurs », puis j’ai participé à des programmes sénégalais comme « l’Entrepreneuriat des Jeunes », ce qui m’a permis d’avoir un diplôme en gestion des entreprises agricoles.

Par la suite, j’ai saisi l’opportunité d’aller suivre une formation de trois mois en Cosmétique au Maroc. À mon retour, ma mère m’a remis la somme de dix mille francs et m’a demandé de mettre en pratique ce que j’avais appris à l’étranger. Et de là, le travail a commencé. Puis en 2018, ma mère nous a poussés à formaliser la société Dakane Agro-Cosmo.

Votre maman vous a-t-elle influencée dans votre choix d’entreprendre ?

Je suis fan de ma maman. Elle est une battante, entrepreneure, depuis notre tendre enfance. Elle nous a transmis cet amour, d’autant plus qu’elle aime s’entourer de ses enfants. Elle m’encourage à chaque fois que j’entreprends quelque chose. Elle croit en moi, et me motive tout le temps. Elle peut me réveiller à trois heures du matin pour me demander mon avis sur tel ou tel autre projet. Concernant le projet de la mangue, quand on a décidé de nous tourner vers l’optique zéro déchet, elle a veillé sur l’état d’avancement du projet et y a investi de l’argent pour sa réussite.

Qu’est-ce qui explique la prédominance des personnes à mobilité réduite dans votre entreprise ?

La société Dakane Agro-Cosmo est fondée par quatre femmes dont une sourde muette qui est ma grande sœur. Etant sourde muette, m’a mère l’a encadrée et l’a accompagnée à faire plusieurs formations professionnelles pour faciliter son insertion. Aujourd’hui, elle est technicienne en soudure optique, diplômée en pâtisserie, couture, teinture et également technicienne supérieure en agroalimentaire… Elle est aussi ceinture noire en karaté.

Notre maman faisait partie des fondateurs de l’école des sourds muets de Thiès. Par la suite, elle s’est retirée de l’école mais a gardé le lien avec certains élèves. Elle a continué à conseiller et à encadrer ceux qui venaient la voir. C’est ainsi que nous est venue l’idée de les former et les insérer au sein de notre structure pour leur permettre au moins d’avoir un revenu et de trouver leur place au sein de la société.

La communication ne constitue-t-elle pas un frein à la formation ?

Non pas du tout ! Il faut juste de la patience et de l’attention. On a appris le langage des sourds muets avec ma sœur. On s’y est habitué et donc on communique aisément avec les apprenants sourds muets. Nous avons des livres adaptés avec lesquels on s’exerce à améliorer notre communication.

Les sourds muets ont beaucoup de qualités. Ils comprennent facilement ce qu’on leur dit. Les sourds muets sont plus sérieux dans le travail. Ils sont passionnés, déterminés et responsables.

Quel rapport entretenez-vous avec leurs familles ?

Ma mère communique souvent avec leurs familles, elle est ouverte et entretient d’excellentes relations avec la plupart des parents des jeunes qui travaillent avec nous. Certains parents peuvent rester, pendant les six mois de formation, sans venir voir leurs enfants parce qu’ils ont confiance en nous.

Êtes –vous accompagnée par des organisations ou investisseurs ?

Depuis le début de la formation, nous prenons entièrement en charge le transport des apprenants, leur restauration…. De plus en plus, les organisations et mécènes s’intéressent à notre entreprise. Nous avons reçu une subvention d’une structure qui se trouve en France et qui accompagne les entreprises à fort impact social. L’ONG Social Inclusive & Business, nous accompagne dans le cadre d’un programme qui facilite l’insertion sociale. Dakane Agro Busines a également été coopté pour une formation en France et a bénéficié d’un financement.

Au niveau local, nous ne sommes pas encore accompagnés. Certaines organisations ont promis de nous accompagner pour qu’on puisse mettre en place un centre de formation qui intègre les personnes en situation de handicap physique.

Alioune Mbaye/Babacar Fall

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