Tacko, l’homme né sous le signe du Dimanche
Le 21 mai 1983, un garçon naît à Dakar, un dimanche. Selon la tradition sénégalaise, ce jour-là, on lui donna le nom de Tacko, un prénom qui, dans la culture wolof, est attribué aux enfants nés un dimanche. Ce détail, ancré dans les racines profondes de son identité, marquerait le début d’une trajectoire aussi diverse que singulière. Le jeune garçon est devenu, un grand homme, le directeur général du Grand Théâtre National Doudou Ndiaye Coumba Rose, l’un des joyaux culturels du Sénégal. À ce poste, il incarne la nouvelle génération de leaders, respectueux des valeurs traditionnelles tout en portant une vision ambitieuse pour l’avenir de la culture sénégalaise.
Serigne Tacko Fall Gueye, « boy Dakar », est avant tout un homme en quête. Sa jeunesse, partagée entre les quartiers de Patte d’oie, Niaye-Thioker et SICAP, a été façonnée par un désir insatiable d’apprendre, de comprendre, d’explorer des horizons nouveaux. Après avoir décroché son baccalauréat au collège Sacré-Cœur, il ne savait pas encore exactement où il allait, mais il était animé d’une curiosité débordante qui le poussait à se former sans relâche.
D’abord attiré par la technique, il se lance dans une formation en électromécanique au CFPT, une école sénégalaise en partenariat avec le Japon. Mais vite, il se rend compte que l’huile sur les habits et les machines ne lui conviennent pas. Alors, il se réinvente. Après un diplôme en transit, il s’oriente vers le commerce international, puis le marketing, et enfin, le management de la qualité. Sa soif de connaissances le mène sur des chemins multiples, chacun de ses choix étant une nouvelle brique dans l’édifice de sa vie professionnelle.
Parallèlement à ses études, une envie d’indépendance grandit en lui. Il n’était pas destiné à être un simple salarié. C’est ainsi qu’il fonde Victoria Service, une entreprise de courtage d’affaires, aux côtés de sa sœur Rabia. Ils collaborent avec des partenaires internationaux en provenance de Suisse, de Russie et de France, à travers des mises en relation dans des secteurs variés.
Ce n’était que le début. En parallèle, il se plonge dans des formations en logistique et en supply chain, des domaines qu’il explore avec la même passion, curieux de tout. Peu à peu, une nouvelle idée germe : créer un service pour divertir les voyageurs et tuer le temps dans les aéroports, avec des conventions avec des hôtels et des sociétés de transport. L’innovation est dans son ADN.
Mais c’est lors de la pandémie de COVID-19 que Serigne Tacko se distingue encore davantage. En réponse aux défis de la crise sanitaire, il conçoit des machines de désinfection innovantes, des boîtes de diffusion, qui vont renforcer la sécurité dans les espaces publics. Ce sont des moments où sa capacité d’adaptation et d’invention prend tout son sens. Toutefois, ses ambitions ne s’arrêtent pas là. L’homme a aussi une fibre politique et une vocation artistique. En 2015, il rejoint le mouvement PASTEF et devient commissaire en charge de la culture. Loin de se contenter de son rôle, il participe activement à la rédaction du programme culturel du parti. C’est alors que l’opportunité de prendre la direction du Grand Théâtre de Dakar se présente. Il saisit cette chance comme une évidence.Pour lui, c’était l’opportunité de faire rayonner la culture sénégalaise à un niveau inédit.
Le Grand Théâtre, souvent perçu comme un simple lieu de musique et de danse, est pour Serigne Tacko bien plus que cela. C’est une institution vivante, un centre d’innovation culturelle, un lieu de rencontre entre l’art et la science. Sous sa direction, il souhaite en faire un véritable hub culturel, un espace d’incubation pour les entrepreneurs et artistes sénégalais. Il voit cet endroit non seulement comme un sanctuaire des arts, mais aussi comme un lieu où se mêlent recherche et développement culturel. Le logo du Grand Théâtre, avec l’Afrique au centre, n’est pas un simple ornement; il incarne une vision de l’Afrique dans toute sa richesse et sa diversité.
Serigne Tacko porte également un profond respect pour l’héritage de Doudou Ndiaye Rose, le grand percussionniste et maître du sabar, dont le nom a été donné à ce temple de la culture en 2020. Il ne cache pas sa volonté d’honorer cet héritage, et à partir de 2026, sous l’égide du ministère de la culture, il prévoit d’organiser chaque année un festival de percussions en son hommage, commémorant l’anniversaire de la légende de la musique sénégalaise.
Les défis ne manquent pas. La crise économique, les difficultés de financement, la nécessité de rendre le Grand Théâtre autonome sont des enjeux quotidiens pour lui. Il rêve d’un Grand Théâtre autonome et puissant, capable de fonctionner sans dépendre des subventions de l’État, tout en devenant un centre incontournable, non seulement à Dakar, mais aussi à l’international. Pour cela, il met en place une stratégie axée sur la production d’événements culturels, l’implication des artistes locaux et l’intégration du numérique dans le paysage culturel, à l’image de ce qui se fait dans les grandes capitales mondiales comme New York.
Serigne Tacko Fall GUEYE est un visionnaire pragmatique. Il ne veut pas simplement gérer un bâtiment, mais donner à ce lieu une véritable âme, une vocation qui dépasse les frontières du Sénégal. Il imagine déjà le Grand Théâtre comme un phare de la culture, où chaque événement, chaque rencontre, est une occasion de célébrer l’identité sénégalaise et africaine. Il est convaincu que la culture est un levier essentiel de développement, tant sur le plan économique qu’intellectuel.
Son message est clair : il veut faire du Grand Théâtre un carrefour de la culture, un espace où les générations futures pourront apprendre, grandir, et s’inspirer. À ceux qui aiment la culture sénégalaise, il adresse une invitation : ne soyez pas seulement spectateurs, mais acteurs du changement. Ensemble, il est possible de transformer ce lieu en un véritable moteur pour la culture et l’innovation en Afrique.
Ainsi, Serigne Tacko Fall Gueye poursuit son chemin, à la fois dans l’arène de la politique, celle de l’entrepreneuriat, et dans celle, plus intime, de la culture. Chaque nouveau projet, chaque nouveau défi, est pour lui une occasion d’approfondir sa mission : créer, innover, fédérer. Et au-delà de l’homme d’affaires, du politique et du directeur du Grand Théâtre, c’est avant tout un visionnaire qui cherche à bâtir un avenir où la culture est au cœur de la société.
LA PERLE NOIRE