Melvina Covo, confessions d’une femme d’affaire

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Melvina Covo est la cofondatrice d’Emballe Bénin Services. Une entreprise qu’elle a créée avec son époux en 2014, alors qu’elle était encore étudiante. Son entreprise spécialisée dans l’emballage biodégradable est la toute première au Bénin. Ce qui lui a valu le prix de l’innovation en 2015. Aujourd’hui, avec beaucoup de résilience, Melvina Covo conduit son entreprise à une phase d’expansion et d’industrialisation.

 Qu’est-ce qui vous a motivée à créer une entreprise d’emballage ?

Un jour, mon ami (devenu mon époux) et moi avions observé un agent d’entretien, qui après avoir récupéré et nettoyé des papiers usagers qu’il avait sortis des poubelles, les a cédés à une vendeuse de sandwich à l’université. À cette époque, le recteur de l’université avait interdit l’utilisation de sachets en plastique. Les vendeuses qui n’avaient pas d’alternatives ont commencé à utiliser du papier ciment et du papier journal usagers. Ce qui n’était ni hygiénique ni adapté.

Après avoir assisté à cette scène bouleversante, nous avons pensé, mon époux et moi, à produire et à commercialiser de l’emballage à papier accessible, salubre et facile à utiliser.

Qu’avez-vous appris depuis que vous-vous êtes lancée dans l’entrepreneuriat ?

L’entrepreneuriat est complexe. Il faut s’armer de beaucoup de résilience, de détermination et de passion, sinon on risque de vite abandonner. Cela fait plus de neuf ans que je suis entrepreneure et honnêtement, j’ai rencontré énormément de difficultés.

Déjà, on ne nous apprend pas à l’école ce qu’est l’entrepreneuriat, encore moins comment entreprendre. Donc nous avons appris sur le tas, comment gérer les crises, comment traiter les clients, comment gérer les opportunités, comment présenter le produit, comment se présenter soi-même et comment rechercher des financements.

Le montage financier et la recherche de financements restent les plus gros challenges pour nous, jeunes entrepreneurs, qui n’avons pas de garantie pour recourir à un prêt bancaire. De plus, quand on démarre, on a très peu d’expérience, ce qui ne rassure pas les investisseurs à nous accompagner dans la phase d’amorçage.

Pour lancer notre entreprise, nous avons démarré sur fonds propres et nous avons avancé seuls. Nos parents ne comprenaient pas nos choix, ils auraient préféré nous voir travailler dans la fonction publique, ce qui nous aurait, selon eux, garanti des revenus fixes et des situations stables. Seulement, nous croyions à notre projet donc nous avons été très résilients et optimistes. Grâce à notre passion, notre détermination et notre envie d’aller jusqu’au bout, nous avons pu braver les obstacles.

Quels sont vos atouts en tant que femme entrepreneure ?

Je suis une personne passionnée et multitâche. J’ai la capacité de m’épanouir en faisant plusieurs choses à la fois et je suis également très accro aux multimédias, aux réseaux sociaux. Je m’intéresse beaucoup aux outils numériques, ce qui m’aide dans mes tâches professionnelles au quotidien.  Au début, nous n’avions pas la capacité de recruter du personnel, nous avons dû être ingénieux pour combler le manque de ressources humaines. Nous avons été comptable, graphiste, concepteur. En somme, nous avons pendant longtemps porté plusieurs casquettes.

Vos produits sont-ils exportés ?

Le packaging en papier n’était pas très utilisé dans beaucoup de pays, surtout en Afrique Subsaharienne. Au Bénin, nous sommes la toute première entreprise spécialisée dans l’emballage. Cela nous a valu le prix de l’innovation en 2015. Ensuite, nous avons postulé à l’appel à projet : « 100 projets pour le climat », lancé en 2016 par Ségolène Royal, qui portait sur toutes les actions en faveur du climat. Nous avons été classé 8e au plan mondial et 1er au Bénin. Ces différents prix et les petits actes que nous ne cessons de poser nous ont permis de nous imposer dans le secteur de l’emballage au Bénin. Aujourd’hui, nous exportons nos produits au Niger, au Burkina-Faso, au Mali et nos produits phares sont les cartons d’entreposage pour l’import-export, les shopping-bags et les boîtes pâtissières.

Comment se porte votre entreprise, après plus de neuf années d’existence ? 

Nous avons connu des hauts et des bas. Lorsque l’Etat a interdit l’utilisation des emballages non-biodégradables, notre chiffre d’affaires a considérablement augmenté. Mais, les mesures d’accompagnement n’ayant pas suivi, il a par la suite chuté. Nous ne nous sommes pas découragés, pour autant, nous avons redoublé d’efforts. En plus Emballe Bénin Services est une entreprise sociale et solidaire, nous formons des étudiants à produire des emballages et nous sensibilisons beaucoup au respect de la nature.

Les mentalités ont beaucoup évolué depuis nos débuts. Les entreprises et les jeunes sont de plus en plus sensibles à la préservation de l’environnement. L’utilisation d’emballages biodégradables étant devenus obligatoires au Bénin, les consommateurs se sont naturellement tournés vers nos produits. À un moment donné, nous ne pouvions plus satisfaire la demande car notre organisation artisanale ne nous permettait pas de répondre aux besoins du marché. Ajouté à cela, nous avons commencé à avoir des concurrents. Heureusement qu’ils ne sont pas dans la même dynamique de création de chaînes de valeurs que nous. La plupart d’entre eux, ont opté pour l’importation d’emballages venus des pays industrialisés pour les revendre sur place. Malgré la concurrence, la demande n’est toujours pas absorbée. C’est là que nous avons compris qu’il était temps de grandir et de passer à l’étape d’industrialisation de notre entreprise. Nous avons commencé à chercher des partenaires. Actuellement, nous sommes en train de lever des fonds. Notre entreprise est en pleine phase d’expansion …

Quels conseils donneriez-vous aux femmes entrepreneures ? 

Entreprendre n’est pas une mince affaire. Il faut savoir trouver l’équilibre entre obligations familiales et entrepreneuriales. Le contexte social dans lequel nous nous trouvons dans certains pays ne nous facilite pas toujours la vie. Il faut donc s’imposer par le travail, s’armer de courage, apprendre et se cultiver continuellement. Il faut aussi avoir des modèles, des mentors qui inspirent et accompagnent… Savoir bien s’entourer parce qu’on n’y arrive pas tout seul.

 

Kémo CISSE