Khady Diouf : DG d’Everest Finance

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« Mon rêve africain c’est de faire de Dakar la place africaine de la Finance». Dans le monde de la finance, Khady Diouf a su se frayer un chemin. Une femme de conviction, directrice générale d’EVEREST Finance. Entretien…

Etre la fille d’un chef d’entreprise a-t-il influencé votre parcours ?

Après des études au Cours Sainte-Marie de Hann où j’ai fait le plus gros de mon cursus, je me voyais déjà être dans les relations publiques et relations internationales. Heureusement que mon père était là pour me faire découvrir la finance qui était une filière que je ne connaissais pas. Ainsi j’ai  découvert la bourse, l’investissement. Ce qui est très étonnant venant de quelqu’un qui est à la base un littéraire et un juriste.

Qu’est-ce qui a motivé votre retour au Sénégal et la  création d’Everest Finance ?

Il n’a jamais été question de rester ailleurs. Je suis allée à l’extérieur pour faire mes études et acquérir de l’expérience. À aucun moment il n’a été question de poursuivre une carrière dans un autre pays que le Sénégal. Donc je pense qu’un an ou deux ans après mon Bachelor à Boston et une petite expérience à New York, je suis rentrée.

 EVEREST Finance a 5 ans aujourd’hui, quel bilan en tirez-vous ?

Nous sommes venus sur le marché en nous basant sur des hypothèses très favorables parce que 2012-2013 ont été les années fastes de la bourse. Et nous avons démarré notre activité avec un marché à tendance baissière. Cette situation nous a appris à être résilients. Elle nous a permis de mettre en pratique toutes ces théories que nous avions sur la finance et nous a aussi permis d’aller au-delà de nos limites en ce qui concerne l’éducation financière que nous souhaitons donner à nos clients et la prise en charge beaucoup plus efficiente que nous proposons à notre portefeuille de clients. On est heureux de dire qu’au bout de cinq ans nous avons pu transformer une startup en une société financièrement stable. Nous pensons avoir quand même pu asseoir notre réputation, tisser des relations solides de confiance avec nos différentes parties prenantes, et consolider cette relation de confiance que nous avons avec nos principaux clients.

Que pouvez-vous dire de votre expérience entrepreneuriale ?

Je pense qu’il est très difficile de démarrer une entreprise dans notre pays. Sans pour autant rentrer dans une propagande féministe, je pense aussi qu’il est très difficile pour une femme d’entreprendre dans ce pays. C’est une expérience humaine qui forge. Et je pense qu’il faudrait avoir un accompagnement aussi bien des structures étatiques qui sont mises en place. Mais surtout, un soutien indéfectible de son entourage, l’adhésion des employés qui doivent être les premiers à y croire. Et un point très important c’est d’avoir des actionnaires qui comprennent le modèle économique, qui font preuve de patience et qui comprennent que les enjeux sont au-delà du dividende perçu.

Quel est votre style de management ?

Je suis adepte du management participatif. Je suis de ceux qui croient qu’on fait une forte recommandation à son collaborateur, on ne l’instruit pas de faire. Je suis de ceux qui croient qu’il faut écouter toutes les parties prenantes lorsqu’il y a une décision à prendre. Mais tout en s’accordant à dire que la décision finale revient au directeur général, qui de toute façon est responsable de toutes les décisions de gestion.

Vos réunions de coordination se passent le matin de façon décontractée en arrivant. Pourquoi ?

Au risque de paraître très anecdotique, j’ai pris cette habitude de mon père qui, dans mon enfance, lorsqu’il arrivait au bureau, avec une équipe plus importante que la mienne, prenait le temps de rentrer dans chaque bureau et de serrer la main à chaque employé. C’est pour moi un moyen de montrer à chaque employé qu’il est important et qu’il compte. Mais ça me permet aussi de faire mon rapide check-up, de m’assurer que chacun avait fait ce qu’il était supposé faire la veille. Et je pense qu’il est très important de dire bonjour. Et en tant que directeur général, le fait d’instaurer cette pratique fait que tous les directeurs de département et tous les collaborateurs comprennent qu’il faut une relation plus humaine vis-à-vis de son collègue et je pense que cela nous fait gagner beaucoup de temps lorsque chacun sait qu’il peut directement interpeller son collègue plutôt que de s’envoyer des mails. Donc je pense qu’il est très très important de se rendre disponible et accessible à son équipe.

Votre bureau se trouvait dans l’open-space avec vos équipes. Pourquoi ?

Toujours dans la même veine de l’accessibilité, je pense qu’il était très important de montrer aux équipes que nous étions tous à la tâche. Et ayant fait le choix, à la création d’EVEREST, de miser sur une équipe très jeune et souvent sans expérience de travail, il a fallu sur les trois ou quatre premières années passer beaucoup plus de temps avec eux et leur montrer dans la pratique comment est-ce qu’il fallait procéder et s’assurer que les bonnes pratiques de métier leur soient transmises.

Le métier de gestion et d’intermédiation en finance est souvent qualifié de stressant. Comment le gérez-vous ?

Je ne vois pas de stress. L’avantage de faire de sa passion son métier fait que je ne vois pas de stress. Je pense que les gens sont très surpris de voir qu’il nous arrive de faire des pauses-déjeuner qui sont supposées casser le rythme et que durant celles-ci on parle toujours de finance et de structuration.

Khady Diouf, cheffe d’entreprise et maîtresse de maison. Comment vous organisez-vous par exemple pour vos courses ?

L’avantage d’être professionnel au 21ème siècle c’est qu’il existe des technologies mises en place pour nous faciliter la vie. Très adepte du consommer local, je fais mes courses dans un magasin sénégalais. Et lorsque je ne suis pas en mesure d’y aller moi-même, je me connecte en ligne et je fais mes achats au fur et à mesure qu’on me remonte les choses manquantes à la maison. Et à la fin du mois je fais deux trois clics et je reçois ma commande. Cela me permet aussi de pouvoir assurer la continuité de mon service à mon deuxième emploi qui est d’être une mère et une épouse.

Vous êtes proches de vos collaborateurs. Est-ce un critère important dans votre façon de gérer l’entreprise ?

Nous pratiquons le management participatif. Nous avons besoin de recruter des employés qui sont « self-driven », qui travaillent avec un niveau de supervision minimale, qui ont un fort besoin d’avoir ce sentiment du travail bien accompli et qui n’ont pas forcément un problème avec l’autorité. Donc, une fois que tous ces prérequis sont déjà là, on va dire que c’est très facile de pouvoir travailler dans une bonne entente. Il arrive bien sûr qu’on ait des désaccords. Mais on s’accorde sur le fait que lorsque nous partageons les mêmes valeurs, il est beaucoup plus facile de communiquer.

Cette proximité ne vous empêche-t-elle pas d’être objective quand vos instructions ne sont pas suivies ?

Il nous arrive souvent d’avoir des séances d’explication très chaudes, et une heure après de nous asseoir tous pour  manger et parler de tout ce que nous avons en commun sans problème, tout simplement parce que nous pouvons être en désaccord dans le respect en respectant la hiérarchie. Donc sur ce plan là je pense qu’on arrive pour le moment à bien gérer.