Coumba Mar GADIO, ancienne: une carrière dévouée au développement économique, à l’humanitaire, à la paix, et au genre.

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Connue du système onusien qu’elle a intégré à travers le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) en tant que Conseillère régionale en genre. Un concept qu’elle maîtrise et qu’elle a su inclure aux stratégies et programmes de développement qu’elle a eu à coordonner. La sénégalaise Coumba Mar Gadio a fait presque toute sa carrière aux Nation-unies. Détentrice d’une Maîtrise en sciences sociales obtenue à l’École des Hautes Etudes en Sciences Sociales de Paris, d’un Master in Women’s Studies et d’un PhD en Sociologie Rurale à Ohio State University, elle a enseigné la sociologie du développement et les méthodologies de recherches dans des universités aux États-Unis. Se donnant les moyens de ses ambitions, Coumba Mar Gadio devient par la force des choses ‘Coordonnateur Résident’ de l’Onu jusqu’à sa retraite. Aujourd’hui, devenue consultante internationale, elle continue d’accompagner des organisations œuvrant pour le développement.

Quel est le quotidien d’un Coordonnateur Résident du Système des Nations-Unies ?

C’est un quotidien complexe. Il est toujours occupé. Le rôle du Coordonnateur Résident est assez central. Il est le chef des équipes des Nations-Unies dans le pays et représente le Secrétaire général des Nations-Unies dans le pays hôte.  Donc, il est l’agent des Nations-Unies le plus gradé, l’interlocuteur direct du Président de la République, du Gouvernement de façon générale, de la société civile et des partenaires au développement. Il coordonne les activités opérationnelles du système des Nations-Unies, de toutes ses agences, afin d’accompagner de façon efficiente et coordonnée le gouvernement à atteindre ses objectifs de développement. En plus, il faut s’assurer de la sécurité de son personnel et de leurs biens. Cet aspect sécuritaire est très important.

Quelle est votre plus grande fierté durant votre carrière aux Nations-Unies ? 

Nous avons eu à réaliser beaucoup de belles choses. D’abord, en tant que Conseillère régionale en Genre pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre, nous avons pu faire avancer la question du genre. Grâce aux plaidoyers, nous avons veillé à ce que tous les pays aient leurs stratégies et leurs plans d’actions genre. Nous avons pu mobiliser des ressources pour que le genre soit une réalité dans les programmes et plans de développement. Des membres de la société civile, du gouvernement, des parlementaires ont bénéficié de sessions de renforcement de capacités.

L’autre belle réalisation que nous avons réussie, c’est au niveau humanitaire avec la mobilisation de fonds pour la mise en place de programmes qui ont permis de soulager la peine de certains réfugiés, de personnes qui n’ont plus d’abris ou qui souffrent de famine. Ces réalisations très importantes, nous les valorisons parce qu’elles améliorent les conditions de vie des populations qui en ont besoin.

Sur le plan du développement, les équipes des Nations Unies que j’ai dirigées en Mauritanie, en Guinée Équatoriale et récemment en Zambie travaillent d’arrache-pied pour la réalisation des objectifs de Développement Durables (ODD) et à de l’agenda 2030.

Quelles sont les valeurs que vous mettez en avant pour la réussite de vos missions ?

En tant que fonctionnaire des Nations-Unies, il y a des valeurs indispensables à incarner telles que l’honnêteté, l’intégrité, la transparence, l’humilité, la flexibilité et la capacité à pouvoir gérer des équipes. En plus de cela, je nourris constamment l’envie d’apprendre. Le respect est aussi primordial, ce que j’ai toujours appliqué avec mes collaborateurs. Et cela m’a été bénéfique pour la réussite de ma mission.

Avez-vous des modèles d’inspirations ?

Ah bien sûr ! Les femmes leaders, qu’elles soient de mon pays ou d’ailleurs, m’inspirent. N’datte Yalla, Aline Sitoé Diatta… Ellen Johnson Sirleaf m’a toujours inspirée. Cette femme, à son âge, malgré son état de santé fragile, était avec nous au lancement du forum de l’Union Africaine sur la masculinité positive au Sénégal. C’est une femme très engagée qui croit en ce qu’elle fait. Elle a assez démontré à la face du monde qu’une femme peut diriger un Etat. C’est une femme pétrie de valeurs, une inspiration. Elle me conforte dans l’idée qu’il n’y a que le ciel comme limite. En tant que femme, il faut toujours garder sa dignité, tout en étant professionnelle et compétente. Quand je lui ai rendu visite, lors de ce séjour, elle m’a dit que je ne devais pas aller à la retraite. Je devais m’intégrer ici au Sénégal et essayer de tirer d’autres femmes vers le haut. Ellen Johnson Sirleaf est mon leader, une référence pour moi. À chaque fois que je la regarde, je me dis que je n’ai pas le droit d’arrêter. Elle doit être une inspiration pour toutes les femmes africaines qui veulent changer les conditions dans lesquelles beaucoup de femmes se trouvent aujourd’hui en Afrique.

Comment comptez-vous accompagner les femmes afin qu’elles bénéficient de votre expérience ?

Il y a beaucoup de façons de le faire. Par exemple à travers le mentoring et le coaching. Des femmes leaders, plus âgées que moi, m’ont entraînée sur ce processus. C’est pourquoi, je dois m’engager auprès des jeunes dames pour essayer de les accompagner par des échanges, des séances de renforcement de capacités, des ateliers… Nous essayons dans le cadre de AWLN (le Réseau des Femmes Africaines Leaders) dont je suis partie prenante de mettre en place un cadre pour atteindre cet objectif.

 

Selon vous, existe- t-il un leadership féminin ?

Vous savez, il y a un débat conceptuel sur le leadership. On parle de leadership féminin, de leadership autocratique… À mon avis, quand on est leader, on doit être capable, à travers nos idéaux, de pouvoir guider, influencer, inspirer des personnes, et même des organisations. Et tout cela, dans l’inclusivité et la flexibilité. Il faut accompagner les femmes en leur montrant le chemin à suivre pour atteindre leurs objectifs. Un leader doit faire valoir la démocratie et non l’autocratie.

Quelle appréciation faites-vous de la politique sénégalaise pour l’égalité des sexes ?

Vous avez pris l’exemple du Sénégal. Mais il faut reconnaître que pendant ces 10 dernières années, je n’y ai pas vécu. Toutefois, je note des progrès remarquables. Au niveau de l’Assemblée Nationale, il y a la parité, des femmes occupent des postes clés dans notre société. Cependant, il faut dire que l’on pourrait mieux faire. C’est la même situation que je constate un peu partout en Afrique, d’ailleurs. Les femmes sont généralement majoritaires au niveau de la population, c’est pourquoi, elles doivent être plus représentatives dans les postes décisifs et être autonomes sur le plan économique. Il faudrait que l’on ait davantage de femmes capitaines d’industrie. Nous devons améliorer les conditions économiques, de leadership, de représentation politique, de santé des femmes africaines. Les dirigeants sont en train de faire de bonnes choses. Je les exhorte à en faire davantage.

Quel est votre rêve africain ?

Je veux une Afrique libre et unie. Une Afrique qui profite de son potentiel. Je crois fermement que notre continent a beaucoup de potentiels. Je veux une Afrique où les femmes occupent une place centrale et que leurs riches contributions soient reconnues par la société. Une Afrique où les femmes vont participer aux processus de prises de décisions. Je veux une Afrique où les jeunes, les personnes âgées, toutes les populations profitent de leurs ressources et participent au développement du continent.

 

Oussama M. Sagna- Babacar Fall