Connu au plan mondial pour ses exploits sportifs incarnés par Roger Milla, Samuel Eto’o, Francis Ngannou, le Cameroun est aussi la terre d’accueil d’immenses musiciens, chanteurs et instrumentistes. Le pays du Makossa et Bikutsi, a sorti de son grenier musical des sommités de la musique. De Manu Dibango à Charlotte Dipanda en passant par Dina Bel, Wes Madiko, Richard Bona (naturalisé ghanéen), et Ben Decca, tous ont gravé leurs noms en lettres d’or dans les annales des mélomanes. Dans la lignée de ces stars planétaires, Alain Rodrigue Oyono, saxophoniste, compositeur, interprète, gratifie le public de belles sonorités de Douala à Dakar sans oublier ses performances sur les plus grandes scènes du monde. Ces scènes, il les a partagées avec des légendes de la musique comme Angélique Kidjo, Césaria Evora, Lokua Kanza, Alpha Blondy… avant de poser ses valises chez Youssou Ndour. La recrue du Super Etoile déroule sa carrière solo depuis 2021 et compte à son actif deux EP (albums).
Fils d’un pasteur, membre de la chorale de l’église, Alain Oyono se familiarise très tôt avec les notes. Sous la surveillance de ses frères et du patriarche, il décolle avec la guitare et transite par la flûte. Tombé sous le charme du saxophone en écoutant les chansons de Kennedy puis celles de Manu Dibango, Alain atterrit sur cet instrument. Faute de moyens, il transforme sa flûte à bec en saxophone artisanal. Un de ses oncles décide alors de réaliser le rêve de l’adolescent de 16 ans en lui offrant son instrument préféré. C’est alors le début d’une longue et riche histoire d’amour entre un instrumentiste et son outil de travail. L’amoureux, au moyen de ses doigts et du souffle tiré au fond de ses réserves pulmonaires, donne l’intonation et l’instrument sert de canal pour expédier le son, pour faire danser le public. Alain intègre alors un groupe de jazz. L’orchestre se produit dans les bars et les cabarets.
Adoubé par les grands
Le petit Alain tape dans l’œil d’Etienne Mbappé (bassiste). Celui-ci est captivé par l’aisance d’Alain au point d’en parler au grand Manu Dibango. La rencontre entre ce dernier et le saxophoniste Oyono intervient lors d’une soirée, trois ans après ses débuts avec le groupe de Jazz. « Nous avons repris son tube Papa Groove. Je jouais en tremblant », se souvient Alain, avec un brin de nostalgie. La performance du groupe mais surtout celle du « petit saxophoniste » séduit l’assistance composée de connaisseurs dont un certain Papa Wemba. Le grand Manu est quant à lui séduit par l’aisance d’Alain. Il le juge digne de se ranger dans la troupe de ses dignes héritiers.
La relation entre « père et fils » voit alors le jour. Les deux saxophonistes se retrouvent souvent et partagent le podium à l’occasion de différentes tournées africaines. Preuve ultime de la symbiose entre Papa Manu et Alain Oyono, le premier confiait au second le soin de faire le sound-check de son saxophone, une sorte de dernière vérification pour voir si l’instrument est à l’état avant le show. « Pour un musicien, ce geste a une valeur inestimable », souligne Alain. C’est tout naturellement que l’élève est dévasté suite au rappel à Dieu de son mentor. Alain est éternellement sevré du sourire, des causeries et des moments d’échanges avec « Papa Manu » comme il l’appelle affectueusement. « Mon seul regret est de n’avoir pas pu concrétiser mon rêve de sortir un album en duo avec lui », indique Alain Oyono.
Des rêves, Alain en a réalisés. En 2014, il remporte le prix «Audience favorite performer» du concours «Jazz master jam» à Odessa (Ukraine). Quelques mois avant, maestro Alain rejoint le Super Etoile, orchestre de Youssou Ndour. Pour le natif de Yaoundé, se retrouver aux côtés d’un « des plus grands chanteurs du monde » est un privilège. « Etant gamin, je me précipitais devant la télé, noir et blanc, pour regarder ses clips », se souvient Alain. Il traverse sans difficulté le pont entre le mbalakh et le jazz. La richesse culturelle du Cameroun offrant divers rythmes semblables aux sonorités sénégalaises lui a été d’un grand apport. Même s’il a fallu faire un stage rythmique en assistant notamment à des séances de lutte traditionnelle où les batteurs sont à l’honneur pour galvaniser les protagonistes.
Défenseur de l’environnement
Les inconditionnels du roi du mbalakh sont tombés en admiration devant le digne successeur de Manu Dibango. En plus de ses envolées lyriques lors des concerts un peu partout dans le monde, le hit “I love you” de Youssou Ndour, reste, sans nul doute, l’un des morceaux où Alain s’est signalé aux mélomanes sénégalais. Le saxophoniste aux dreadlocks diffuse les ondes positives en direction du public. Il se considère comme un éternel apprenant, prompt à toujours se remettre en question pour affiner sa manière de jouer afin d’émerveiller et de faire bouger les foules au rythme de son saxophone.
Guidé par l’envie de marquer l’histoire de la musique, Alain Oyono ne se contente plus d’être un « accompagnateur » au sein d’un orchestre. Parallèlement à ses engagements avec le Super Etoile, il a lancé sa carrière solo avec la sortie de son album « Nkol Ayop », en juillet 2021. « J’ai profité de la parenthèse Covid 19 et son cortège de restrictions pour me focaliser sur la composition de mes chansons dans mon studio dakarois », soutient la recrue de Youssou Ndour. C’est pour lui une occasion de se rappeler de l’épisode où il était membre de la chorale de son église. En février dernier, Alain a sorti son deuxième EP, Transcendance », composé de 5 titres. L’environnement occupe une place importante dans ses textes. Ayant vécu dans un village où les hommes sont en parfaite harmonie avec la nature, Alain Oyono tient à cœur la préservation des écosystèmes. Il est conscient des ravages qu’engendrent les changements climatiques et sensibilise le public sur la question. « J’ai vu des gens tout perdre à la suite d’une pluie d’une semaine à Douala », raconte-t-il avec tristesse. La musique est un moyen pour le nouveau-dakarois de rallier le maximum de personnes à la cause noble pour la survie de notre planète.
Oussama Monique Sagna- Onass Mendy
